LES POPULATIONS
DU CAMBODGE
1/
ORIGINES DES PEUPLEMENTS
Le
docteur Olivier, anthropologue, fit deux études au Cambodge,
l'une en 1947, l'autre dans les années 1970. Il en tire des
conclusions qui s'opposent parfois, mais complètent toujours,
les vues des grands khmèrisants comme Aymonnier, Pannetier,
Groslier...
L'idée force de son étude est que "Les
études anthropologiques menées sur les populations cambodgienes,
et plus particulièrement sur les Khmers n'aboutissent pas,
pour les scientifiques à des conclusions satisfaisantes."
Des points obscurs demeurent notemment sur les origines du peuple
khmer et sur le fait que le mélange de race sino khmer subit
une forme de rejet au profit de la race khmer qui reste inexpliqué.
Pour le Dr Olivier, "le Khmer représente une race locale
indochinoise, se différenciant de la race chinoise par l'apparition
progressive de caractères méridionaux : peau plus foncée,
traits moins fins, cheveux parfois bouclés, bride mongolique
moins fréquente, caractères dermatoglyphiques particuliers.
les Khmers, au moins en aspect morphologiques et à s'en tenir
à la statuaire ancienne, n'ont pas changés depuis des
siècles mais la formation de cette race est tardive".
On
ne trouve traces de peuplement en Indochine qu'à partir du
Paléolithique supérieur, c'est à dire après
l'Homme de Néandertal, dont a trouvé trace uniquement
à Java et en Chine .
En Indochine, on passe sans transition d'une humanité très
primitive à l 'homme actuel, auquel on ne peut attribuer aucun
ancêtre local unique .
On parle fréquemment de "chaos racial". La péninsule
aurait été traversée successivement par des Négritos
(hommes petits, noirs, tête arrondie, nez large et cheveux crépus),
des Mélanésiens, des Australiens et enfin des Indonésiens.
Le peuplement mongolique serait récent.
2/
LES THEORIES SUR L ORIGINE DES KHMERS
Une
première théorie propose une population d'envahisseurs
qui aurait intégré les populations tribales locales,
ou bien au contraire une population locale aux caractères forts,
aurait subi les métissages des éléments venus
de l'exterieur. On dit couramment que les Khmers originels étaient
plus foncés que ceux d 'aujourd'hui. Il faut également
savoir que le peuple Khmer ne se limite pas au Cambodge actuel dans
son habitat. On trouve des Khmers en Thaïlande et dans le sud
du Viet nam. D'autres explications sont avancées comme par
exemple une migration venant de l'Inde; certains peuples de l'Inde
présentant des analogies linguistiques avec les Mon-Khmers.
(Khmers de l'origine) Une autre théorie dit que les Mon Khmers
proviendraient de populations négritoïdes des contreforts
sud du Tibet.Morizon prétend que les premiers habitants auraient
été des peuplades protoindochinoises blanches qui auraient
subi le métissage des peuples négritoïdes venant
du Tibet. Une seconde invasion d' Indo-Malais aurait donné
naissance, par un second phénomène de métissage,
aux Khmers que nous connaissons, les tribus primitives se retirant
en même temps dans les montagnes. Enfin, une autre tradition
propose la constitution du pays khmer en 430 AV JC par une invasion
de Tamouls venus aussi de l'Inde. Quoiqu'il en soit, on admet que
les Khmers sont issus de tribus primitives qui subirent dans l'ordre,
l'influence des Indiens puis des chinois. Les chinois se mélèrent
aux Khmers d'une manière lente ; plus particulièrement
dans les classes supérieures de la société khmère.
Le niveau de métissage est difficile à évaluer.
Les différentes méthodes d 'analyse des populations
ne donnent pas de résultats probants.
3/
LE PROBLEME DU METISSAGE SINO-CAMBODGIEN
Le
métissage sino cambodgien est un cas particulier, presque une
énigme. En général les hybrides de première
génération ressemblent surtout à leurs parents
chinois.
Or, selon la méthode de Wanke, les Sino-Cambodgiens présentent
78 % de type chinois et 22 % de type khmer alors que génétiquement
ils possèdent la moitié de chaque.
Mais les Sino-Cambodgiens qui, à chaque génération
se marient avec des Khmers, devraient avoir apportés aux Khmers
des caractères typiquement mongoliques: peau plus claire, yeux
plus bridés, nez plus fin etc... Or il n'en n'est rien , le
type physique des Khmers a peu varié au cours des siècles,
la statuaire l'atteste.
Pourquoi le métissage Sino-Cambodgien ne se manifeste pas plus
?
Ayant examiné les problèmes d'indianisation ou de sinisation
des Khmers par des méthodes diverses, le Dr Olivier conclu
que ces métissages ne se manifestent pas du point de vue physique:
Tout se passe comme si un flux génique chinois entrait au Cambodge
à chaque génération et qu'un phénomène
sélectif mystérieux le chassait au fur et à mesure..
4/
SITUATION DU CAMBODGE AUJOURD'HUI
La population
du Cambodge aujourd'hui est un melting pot composé de quatre
entités d 'importances différentes. Les cambodgiens
sont d'abord des khmers pour quelques 87% même si une grand
nombre d'entre eux savent qu'ils ont eu un ancêtre ou un parent,
chinois ou vietnamien. En seconde position arrive une population d'immigrés
vietnamiens pour environ 5% puis des chinois pour 3%. Les 5% restant
sont partagés entre les Chams, seuls musulmans du Cambodge
et les ethnies primitives d 'origine, telles que les Brao, Shong,
Kravet, Krung, Kuy, Laman, Mnong, Sombray, Tampuan, etc. Pendant
des siècles, les Khmers ont connu une très forte influence,
principalement religieuse et culturelle, d'origine indienne. Guerriers
redoutables, ils dominèrent la péninsule pendant de
très longues périodes. Puis ils sombrèrent dans
une décadence sans fin allant jusqu 'à l' annexion de
leur propre territoire par les Thaïs ou les Vietnamiens.
Peuple paysan, riziculteurs, les Khmers ont toujours marqué
un dégoût invétéré pour les affaires.
Les vrais khmers ne sont pas des commerçants, ce qui n'est
pas le cas des Sino-Khmers qui ont un esprit et une mentalité
différente des Khmers de race.
"En
ce qui concerne l'éducation, nous nous rappelons que nous sommes
fiers d'être Khmers, originaires de la période angkorienne
ayant le comportement doux, sage, sérieux et persévérant.
Il s'agit d'un type qui connaît le bien et le mal, qui respecte
les lois et les disciplines, qui obéit aux parents et aux maîtres,
qui sait se conduire dans le bon sens et qui fait preuve de compétences
en économie et en architecture ce qui fait du Royaume du Cambodge
à cette époque là, un pays avec des milliers
de temples, avec une superficie immense dont le renom s'inscrit dans
l'histoire du monde et de la région sud est asiatique. Mais
malheureusement, ces caractères et ces comportements des khmers
d'Angkor ont disparu lors des conflits entre les Khmers; au terme
des années 70 à 90. Ceci risque de faire d'une partie
de notre génération, des types indifférents,
méchants, ambitieux, destructeurs, voleurs et corrompus...".
NORODOM RANARIDDH, Premier Ministre, 15/03/96.
LES
VIETNAMIENS
Rien
de plus antinomique que les Khmers et les Vietnamiens. ( lire Khmers
et Annamites et les extraits du roman de Loup Durand, Jaraï )
"Il existe nulle part au monde deux peuples voisins plus éloignés
par les moeurs ; presque toujours les deux termes cambodgien, annamite,
viendront s'opposer comme deux antithèses." (Docteur PANNETIER,
1917) "Plus nombreux (que les Chinois) seront bientôt les
Annamites qui continuent instinctivement leur tâche d'absorption,
rongeant les frontières, s'introduisant par les voies fluviales,
pénétrant par les cours d'eau. L'Annamite erre, vagabonde
partout où sa jonque passe, supportant avec sa philosophie
naturelle les exigences d'une race pour laquelle il n'éprouve
cependant qu'une aversion instinctive mêlée de mépris.
Il se venge en cherchant à duper continuellement le Cambodgien,
avec lequel il forme le plus grand contraste, sauf en ce qui concerne
l'amour du jeu qui leur est commun. A bout de ressources, le Cambodgien
met en gage sa femme, ses enfants, ses amis et, en dernier lieu, s'engage
lui-même." (comme esclave) AYMONNIER, 1868. Présents
depuis longtemps sur le sol cambodgien, soit par fait de simple immigration
soit par occupation militaire, -on en connaît au moins trois-
et colonisation, le nombre de vietnamiens avait considérablement
diminué dans les années 1970 à 1979. Puis de
1979 à 1989 le Vietnam, qui avait envahit le Cambodge, effectua
d'importants transferts de population. Une grande partie est restée
sur le territoire.
Autrefois les Vietnamiens supplantaient et anéantissaient.
Leur pénétration a changé de forme, pour se rapprocher
de la "technique chinoise" : se fondre dans le nouveau pays,
prendre femme et se dire khmer... d'origine krom s'il y a problème...
C'est une nouvelle cause de mongolisation, par métissage, du
peuple khmer. On retrouve les Vietnamiens dans les métiers
du bâtiment, la petite industrie (mécanique, ferronnerie),
la pêche et l'agriculture. Pour ce qui est du commerce, ils
achètent et vendent entre eux . Ils tiennent aussi des secteurs
lucratifs du tourisme urbain...
Extrait
du roman de Paul Durand, JARAI:
"A
Phnom Penh, le quartier vietnamien était une ville en lui-même.
Parmi les dizaines de milliers de gens qui y vivaient, à peu
près toute l'Indochine de Hanoi à Saigon était
représentée. La population de base, fondamentale, était
faite d'hommes du delta dont certains étaient venus s'installer
au Cambodge en des temps immémoriaux, conservant néanmoins
leur langue et leur identité. Une seconde couche s'était
mise en place avec les Français, dont l'administration avait
presque toujours donné la préférence aux Vietnamiens
sur les Khmers pour tous les postes subalternes qui ne pouvaient pas,
sous peine de déroger, être acceptés par des Européens.
Une troisième vague enfin, de beaucoup plus récente,
était arrivée dès les premiers combats, opposant
les troupes d'Ho Chi Minh et de Giap au corps expéditionnaire
français; cette troisième vague était principalement
composée de Tonkinois et d'Annamites qui avaient fui une guerre
où ils se souciaient assez peu de prendre parti, moins encore
de prendre des risques personnels. Le phénomène n'était
d'ailleurs pas limité à la seule Phnom Penh; il avait
touché d'autres villes khmères, surtout dans le Sud,
telles Takeo et Sway Rieng, toutes proches de la frontière.
Ces colonies vietnamiennes étaient nettement moins importantes
à mesure qu' on allait vers le nord du Cambodge, à une
exception près : celle des berges du grand lac Tonlé
Sap où les pêcheurs vietnamiens s'étaient établis
depuis des générations, faisant macérer le poisson
pour fabriquer du prahoc, condiment indispensable de l'alimentation
khmère, à la façon dont leurs cousins de l'île
de Phu Quoc produisaient le nuoc-mam.
Entre
les deux communautés, vietnamienne et khmère, les différences
étaient en principe spectaculaires. La langue tout d'abord,
bien que tout le monde parlât peu ou prou le cambodgien dont
les formes et le vocabulaire abâtardis depuis des siècles
n'étaient d'ailleurs pas si difficiles à apprendre;
un certain nombre de coutumes ensuite, par exemple les habitudes vestimentaires
qui faisaient porter le pantalon large et la tunique à une
Vietnamienne plutôt que le sampot; la religion encore, bouddhique
pour un Cambodgien, le plus souvent catholique pour un Vietnamien,
qui faisait que le second enterrait ses morts quand le premier les
incinérait.
Certes,
au fil des décennies et des siècles, on s'était
pas mal mélangé : quand ils n'avaient pas de sang chinois
dans les veines, bon nombre de fonctionnaires ou de techniciens officiellement
khmers avaient des ancêtres quelque peu vietnamiens. Mais ces
échanges n'avaient jamais vraiment réuni les deux communautés,
qui persistaient à se regarder en chiens de faïence ou,
au mieux, avec une totale indifférence. Il y avait une évidente
jalousie dans le regard que les Cambodgiens portaient sur leurs colocataires
: toujours quand il n'était pas chinois, un mécanicien
automobile, un réparateur radio, un chef cuisinier, un maître
d'hôtel, un cordonnier, un orfèvre, un restaurateur,
un hôtelier, un commerçant important ou un boutiquier
à l'étalage de plein vent, était le plus souvent
vietnamien, dans des proportions anormales. Quant aux domestiques
employés par la colonie européenne, à part une
ama chinoise pour s'occuper des enfants, on parlait d'un bep (cuisinier),
d'une ti-aï, d'une ti-nam, d'une ti-ba, par ordre hiérarchique
décroissant, tous mots vietnamiens exprimant une fonction domestique
donnée et cela même alors que l'employé était
khmer, ce qui n'arrivait presque jamais, à moins que l'employeur
ne fût lui-même cambodgien."
LES
CHINOIS
(TCHEOU
TA KOUAN, dès le 12 ème siècle) préconisait
l'expansion économique de la Chine vers le riche Cambodge.
Il nous dit aussi qu'il trouva beaucoup de compatriotes car "le
riz est facile à gagner, les femmes faciles à trouver,
et le commerce facile à diriger".
Avant l'arrivée des Khmers Rouges, il n'y avait pas un hameau,
pas un lieu-dit où ne soit installé un chinois, maître
économique de toute la population...
Depuis des siècles s'opère une sinisation lente et inexorable
de toute l'asie du sud-est.Dès le 18éme siècle
Phnom Penh était marquée par la présence, essentiellement
commerçante, des chinois. Ceux- ci, en pratiquant le crédit
à des taux invraisemblables (500 % sur six mois), arrivaient
à faire son esclave du Cambodgien.
Le Protectorat avantagea outrageusement l'ethnie chinoise, au point
de faire du Cambodge, sur le plan économique, une colonie chinoise.
Les chinois représentaient une population d'environ 150 000
individus au début du siècle. Par leurs compétences
et leur savoir faire les chinois ont su se rendre des rouages indispensables
au commerce et à la bonne marche éconnomique du pays,
à un point tel que les français, durant le protectorat
leur accordèrent de façon implicite un statut spécial.
Il n'en fallait pas plus pour les inciter à revendiquer leur
appartenance à des origines chinoises, même après
de nombreux métissages et plusieurs générations.
les Chinois (avec leur organisation en congrégations indépendantes)
constituent actuellement un Etat dans l'Etat cambodgien. On comprend
quel poids mort pèse ainsi, au point de vue social, sur le
Cambodge! Et, comme au point de vue économique le Chinois est
aussi le maître, qu'il possède toute la fortune, on voit
qu'il constitue, au détriment de l'indigène, une classe
privilégiée dans ce pays qui n'est pas le sien. Il faut
voir de quel air il traite les autorités locales- qu'il tient,
par l'argent, par le jeu et la corruption.
LES
CHAMS, TROISIEME MINORITE ETHNIQUE
(Prononcer
'tiam', lire aussi : le Royaume de Champa)
Les Khmers-chams sont musulmans, sunnites de l'école chafiite,
et relévent des "Khmers-islam " tout comme les malais
du Cambodge.
En 1997 le Cambodge comptait près d'un demi million (un million
en 1970) de musulmans et quelques 260 mosquées, toute offertes
par la communauté islamique étrangère.
Musulmans et bouddhistes ne se mélangent pas et vivent dans
des quartiers ou des villages distincts.
Descendants du royaume Champa, le Champa de Marco Polo, dont la capitale,
Vijaya, contemporaine d'Angkor, se trouvait au centre du Vietnam,dans
l'Annam, les derniers Chams survivants des Khmers rouges coulent enfin
des jours tranquilles au nord de Phnom Penh et dans la région
de Kompong Cham. Le Champa a connu ses heures de gloire et de fastes.
Né de la rencontre, par une peuplade Moï, des cultures
indienne puis chinoise, (des auteurs disent cependant que ce sont
des conquérants malais installés en Annam), le Champa
adopte au IVème siècle l'alphabet indien, le sanscrit
qui devient la première langue écrite de la péninsule.
La religion est alors brahmaniste civaiste. Ses légendes sont
du même type que celles du Founan. Les Chinois les décrivent
comme ils décrivent les Founanais : "noirs de peau , yeux
enfoncés dans l'orbite, nez retroussé, cheveux crépus"
ce qui correspond peu aux Chams actuels. Un autre chinois dit "yeux
profonds, nez droit et saillant, cheveux noirs et frisés".
Arrivés au Cambodge il y a trois siècles, musulmans
et en rapport avec les Malais, les Chams pendant longtemps ne se sont
pas mariés avec des Khmers.
Physiquement plus fins, moins foncés, moins grands et de visage
plus allongé que les Khmers, ils diffèrent nettement
de tous les autres Cambodgiens. L'apogée du royaume Cham coïncide
avec celle d'Angkor, vers le XIème siècle. Les deux
royaumes d'Angkor et de Champa se sont souvent affrontés jusqu'au
XII° siècle. les Chams ont même occupé Angkor
pendant quelques années de 1177 à 1181. Cependant jamais
les Chams ne furent considérés comme des ennemis héréditaires,
bien au contraire, les Chams, oppressés par les Vietnamiens
qui avaient fondés au X° siècle un royaume indépendant
de la Chine, émigrèrent en masse vers le Cambodge où
ils étaient bien accueillis....
Le dernier roi Cham aurait été capturé par les
Vietnamiens en 1471. La dernière ambassade cham vers son protecteur
chinois date de 1543.
Tous les Chams ne furent pas tués bien que la politique des
Vietnamiens soit de refouler et de supplanter. La conversion globale
du peuple cham date de la chute du Royaume, sans doute par rapprochement
avec des Malais et des Javanais de religion musulmane.
Le Champa disparaît corps et biens au XVIII ème siècle,
après des siècles de lutte contre son destructeur, le
Viêt-nam... Bien que peu nombreux (150 000 en 1975) les Chams
ont toujours joué un rôle important dans la politique
intérieure du Royaume et ont toujours été des
alliés fidèles de la royauté, obtenant ainsi
titres et privilèges non négligeables.
En 1964 se créa un Front de Libération du Champa, soutenu
par le gouvernement cambodgien, contre les Vietnamiens. Ce Front fut
connu sous le sigle FULRO pendant la seconde guerre d'Indochine..
En 1975 les Khmers rouges ont anéanti plus de la moitié
de la population cham du Cambodge et rasé jusqu'à la
dernière brique toutes les mosquées... Dans les mosquées,
le tambour cham, avatar d'anciens rituels, accompagne la prière
et rappelle que les Chams n'ont adopté la religion musulmane
que tard dans leur histoire.
Les femmes ne portent pas le voile, n'entrent pas à la mosquée,
et n'épousent que d'autres musulmans. En plein Ramadan, en
1996, le touriste pouvait voir des cochons paître dans le parc
de la mosquée Internationale... Il n'est pas faux de dire que
la population cham, bien que sourcilleuse quant à ses différences,
est parfaitement intégrée à la communauté
cambodgienne. Le bouddhisme cambodgien interdisant de tuer les animaux,
le métier de boucher est souvent pratiqué par des Chams.Certains
groupes de Chams sont des nomades qui vivent sur le Mékong.
Tous les ans, en saison sèche ils se regroupent en campements
pour une durée d'environ deux mois. Ils profitent alors du
bas niveau du fleuve qui laisse de larges berges inoccupées
pour s'installer sur les rives. Dans le même temps, les eaux
basses favorisant la concentration de poisson, ils en capturent de
grandes quantités qu'ils font sécher ou qu'ils revendent
pour se procurer un minimum d'objets de première nécessité.
5/
LES POPULATIONS PRIMITIVES
Il
existe un peu partout en Indochine des populations arriérées,
cantonnées dans les montagnes
ou les forêts, dont le niveau culturel est semblable. En effet,
du point de vue ethnologique, on constate une certaine unité
: l'organisation est tribale, souvent limitée à un village
; l'alimentation est basée sur la chasse, la pêche et la
cueillette, ainsi que sur une piètre culture du riz de montagne,
sans irrigation, sur brulis ou par essartage (ray). Ils parlent des
dialectes différents d'une tribu à l'autre, mais de plus,
ceux-ci se rattachent à des familles linguistiques diverses,
ce qui semble traduire des influences étrangères : le
tibéto-birman, l'austro-asiatique (ou môn-khmer), ou le
malayo-polynésien (austronésien).
Ces primitifs n'ont pas de nom collectif ; partout on les désigne
sous des vocables qui signifient sauvages ou esclaves : pnong en cambodgien,
chong en thaï, kha en laotien, moï en vietnamien, sakai en
malais, kuki en bengali...
Condominas les nomme « protoindochinois », terme qui indique
qu'il s'agit des véritables autochtones de la péninsule
indochinoise.
Au Cambodge, on les désigne officiellement sous le nom de Khmers-leu
(ou Khmers de la montagne, Khmers d'en haut), et l'on cherche d'ailleurs
à les intégrer, à les « khmériser
».
Chaque
tribu ne compte tout au plus que quelques milliers de membres, et le
plus souvent quelques centaines. Ces peuples sont en voie d'assimilation
totale... Mais "la présence de ces primitifs sur le territoire,
à côté des Khmers et de minorités de type
nettement mongolique (Chinois, Vietnamiens) est capitale pour la compréhension
du peuplement du Cambodge" (Dr Olivier)
LES
PRIMITIFS DU NORD-EST
Du nord-ouest
au sud-est, on trouve les tribus suivantes :
- les Kravet, ou Corvet, ou Khrêk, qui débordent sur le Laos
au nord et seraient racialement à part, sans doute proches des
Khas du Laos ;
- les Braos, ou Préous, mêlés avec les Krûng,
habitant la zone frontalière Cambodge-Laos-Vietnam ; On en trouve
à Stung-Treng et dans le Ratanakiri.
Anthropologiquement ils sont très près des Pears et des
Samrès, donc des Khmers.
- les Tampuans, groupés autour de la ville de Bakéo;
- les Mnongs (ou Pnongs proprement dits), à ne pas confondre avec
les Muongs, qui débordent sur le Viêt-nam, ni avec les Khmers-leu
en général. Ils
existe deux autres groupes importants : les Stiengs, qui sont au sud des
Mnongs, de part et d'autre de la frontière, et surtout le grand
peuple des Djaraï, situés à l'est des groupes précédents,
mais qui tend à s'étendre à l'ouest, donc à
quitter le Viêt-nam pour s'infiltrer au Cambodge ; ils ont subi
une nette influence des Chams historiques. Il y a assurément des
Djaraïs cambodgiens, mais dans une région si peu peuplée
qu'on ne peut raisonnablement pas les introduire dans l'énumération
des populations du Cambodge :
LES
PRIMITIFS DU NORD
Ce sont
les Kouys, terme qui signifie " hommes ", donc " hommes
libres ". Ils habitent un triangle situé au nord de Kompong
Thom et débordent sur la frontière thaïlandaise
; au Siam on les appelle Souys, prononciation thaï de leur nom,
et on retrouve de ces Souys au sud du Laos (Pour BARADAT, Souy signifie
" tribu " et, par extension, esclave).
Physiquement, les Kouys ressemblent beaucoup aux Khmers, avec des
traits légérement plus fins et moins mongoliques.
Leur niveau culturel est plus avancé que celui des autres ethnies
primitives ; ils connaissent l'utilisation des métaux, ils
savent extraire le fer et l'or et ont été historiquement
les forgerons du Cambodge.
Une légende
fait des Kouys les descendants de soldats laotiens capturés et
libérés au nord de Kompong Thom, d'où leur dialecte
mêlé de Khmer et de Laotien. En réalité, il
est possible que la poussée thaï ait conduit des Thaïs
Lao à se mêler à des Kouys.
Par ailleurs,
les Kouys ont été adoptés autrefois par les Khmers
et encore maintenant beaucoup se khmérisent volontiers : on
ne les reconnaît guère qu'à leur accent. Des villages
autrefois habités par les Kouys ont adopté le mode de
vie des Khmers - et depuis les habitants assurent qu'ils sont Khmers
!
LES
PRIMITIFS DU NORD-OUEST
Ce sont
les Samrês (" tatoués")qui, avec les Pears sont
les véritables primitifs Proto-Indochinois du Cambodge.
Ce groupe ethnique est à la fois voisin et distant des Khmers:
peau très foncée, très légèrement
brachycéphales, plus forte proportion du groupe sanguin B.
On trouverait encore des Samrês au nord de Siemréap, au
pied des Monts Koulen ; un autre îlot se situe au milieu des Kouys
(à moins qu'il ne s'agisse d'un groupe de Péars ?). BARADAT
écrit textuellement ceci : " L'amalgame dans la race cambodgienne
a été plus rapide et plus complet que partout ailleurs.
A tel point que, lors de la recherche des représentants de cette
race, on se heurte à l'étonnement des gens du cru, unanimes
à déclarer que, si leur village était autrefois
domaine des Samrés, il y a beau temps que la dernière
descendance s'en est éteinte ou réfugiée au pied
des Phnom Koulen. La fuite est générale devant l'attribution
d'une origine peu estimée ". Plus encore que les Kouys,
ils semblent s'être fondus dans le peuple khmer et avoir perdu
leur dialecte particulier (voisin de celui des Péars). Pourtant
les Samrês furent autrefois un grand peuple. La légende
raconte même que l'un d'eux, nommé POU, jardinier de son
état, devint roi des Khmers : c'est le fameux " roi des
concombres doux", qui habitait à Bantéay samrês
et avait une garde de gens de sa race. La même légende
se retrouve en Birmanie et fait sans doute partie du folklore indochinois.
Les
Samrês servaient d'esclaves ou de mercenaires ; ils formaient
la " main-d'oeuvre qui s'occupait de l'extraction et du transport
des grès des Phnom Koulen" ; ils gardaient les éléphants
royaux ou assuraient la garde des anciens temples ; ils étaient
aussi forgerons, comme les Kouys. Au début du XVII° siècle,
" un aventurier de race Samré, qui avait longtemps séjourné
en Birmanie, revint parmi les gens de sa race, les persuada qu'il était
prédestiné à la couronne et les conduisit à
une rébellion stérile "
LES
PRIMITIFS DE L'OUEST
Ce sont les
Péars, ou Porrs, qui comprennent deux groupes, l'un à l'ouest,
entre Pailin et Kranhung, l'autre à l'est, sur le versant septentrional
des Cardamones, à l'ouest du village de Rovieng. Les
Péars disent être nettement distincts des Kouys. Leur nom
signifie " homme de couleur ". La tradition, confirmée
par l'analyse anthropologique, en fait des descendants de Samrês,
originaires des environs d'Angkor : le roi du Cambodge leur aurait donné
des terrains de chasse dans cette marche-frontière occidentale,
où ils se seraient mêlés aux négritoïdes
Chongs (ou Chhângs) ; ces derniers ne se trouvent plus guère
qu'en territoire thaïlandais, donc plus à l'ouest (et rien
ne dit qu'il s'agisse vraiment de Négritos). Un
ambassadeur chinois du XIII° siècle dit qu'il y a au Cambodge
deux sortes de sauvages : les uns vivent à l'écart dans
les forêts et les montagnes, les autres sont utilisés dans
les villes comme esclaves : il s'agit sans doute des différentes
tribus primitives. À maintes reprises les chroniques cambodgiennes
rapportent que leurs rois levèrent des mercenaires chez les Péars
et les Samrês : ainsi au XVI° siècle, puis au XVIII°
siècle (où Samrês et Kouys formèrent une armée
de 10 000 hommes). Les
esclaves particuliers pouvaient se racheter et devenir " esclaves
d'Etat", c'est-à-dire être mis au bas de l'échelle
sociale. Ce n'est qu'à la fin du siècle dernier qu'ils furent
tous reconnus hommes libres. Tous les primitifs sont actuellement citoyens
khmers.
LES
PRIMITIFS DU SUD
Dans la
presqu'île de Véal Rinh, à l'ouest de la province
de Kampot, se trouvent les Saoch'. Selon Baradat, ils seraient apparentés
aux Chong Khnâng Phnom (peuple des collines), qui habitent le
versant méridional des Cardamones, au sud du territoire des Péars
de l'est. " Saoch' " serait un sobriquet dû à
leur peau rugueuse, épaissie par des mycoses : les porteurs de
lésions éruptives seraient nommés saoch'. Pour
d'autres, ce nom serait une déformation de Souy (ou Kouy) et
Pavie désigne cette tribu sous le nom de Chong ou Souy. Les gens
de la région les appellent Kuea prei (les inséparables
de la forêt).
Le
premier auteur à les avoir signalé est le R.P. GAGELIN
en 1830.
Trois ans plus tard, un général siamois en embarqua plusieurs
centaines à Chaudoc : conduits en Thaïlande, ils s'installèrent
dans le district de Trang où ils forment les Chong Ut ("
sauvages de la montagne"), voisins des Ngo (crépus).
Signalons en passant que l'histoire nous révèle un assez
grand nombre de cas de " razzias " et de déplacements
de villages, dont la répercussion anthropologique est le brassage
des populations. Les
Saoch' parlent un dialecte voisin de celui des Péars et Samrês.
La plupart
des auteurs en font des veddides de petite taille. Le Docteur TAILLARD
les range fermement parmi ces Négritos qu'on retrouve si souvent
dans les légendes indochinoises et dont la préhistoire
a confirmé l'existence. Les Saoch' seraient donc un des vestiges
de la couche de peuplement négritoïde d'autrefois, au même
titre que les Mincopis des îles Andamans, les Aetas des îles
Luçon, les Semangs (ou Meniks) de Malaisie, les Chông Ut
et les Ngos de Thaïlande, les Laïs (" noirs ") de
l'île d'Hainan.
Anthropologiquement, ils sont les plus foncés de la péninsule,
et une bonne moitié d'entre eux ont les cheveux frisés
(mais non crépus).
Baradat
rapporte, en s'amusant, la légende qui fait des Saoch' les
descendants d'un Khmer séduit par la reine des Gibbons ; celle-ci
l'avait fait enlever et conduire dans la forêt. Elle en eut
trois enfants, un garçon, puis deux filles. L'homme ("
le grand singe sans poil ") se lassa de cette vie et parvint
un jour à s'enfuir avec ses deux aînés. Le peuple
des singes tenta vainement de les faire revenir. De dépit,
la reine des Gibbons tua son dernier-né et mourut. L'homme
resta donc dans un village khmer, mais ses deux enfants ne purent
s'habituer à la vie civilisée, ils préféraient
la vie dans la jungle ; ils s'unirent et leurs descendants sont les
Saoch'.
|