De
nombreux écrits ont vu le jour depuis la fin du regime de POL
POT. Certains auteurs ont relatés les faits en s'aidant de témoignages
ou de récits des victimes du régime. D'autres ont tentés
de comprendre pourquoi ces évènemets dramatiques avaient
eut lieu. Vu d' Europe, nous n'avons pas la même approche ou la
même analyse que les asiatiques.
Ici encore la culture et le concept que nous avons pu développer
dans le chapitre Les Cambodgiens aidera
à mieux comprendre les comportements des uns et des autres dans
les situations de face à face, et pourquoi certains ont pu exploiter
les notions de fluidité, de récurrence, de face, pour
imposer leur concept politique a tout un peuple dont la rêgle
est le respect du pouvoir politique; C'est pourquoi une lecture du chapitre
Les
Cambodgiens avant d'aller plus avant dans l' histoire des khmers
rouges permettra de comprendre les comportements des individus entre
1975 et 1979 , mais aussi les attitudes a posteriori des Cambodgiens
qui montrent une réticence évidente a parler du passé,
de jugements et de procès.
Si les
dirigeants actuels, confrontés a l'Internationalisation de la
situation, répugnent à accueillir un tribunal International
et suggèrent que: "les problèmes khmers soient réglés
entre khmers ", (Hun Sen s'adressant au secrétaire Général
des Nations Unies) n' y voyont pas autre chose que l' image de la récurrence,
le complexe d'Angkor,et aussi un comportement de politique qui cherche
a ne pas déplaire.
Nous ne
traiterons pas ce chapitre de manière personnelle mais plutôt
par références et citations aux travaux et recherches
qui ont été faits sur le sujet. Beaucoup de chôses
ont été écrites et il semble difficile d'apporter
des éléments nouveaux dans l 'analyse des évènements
des années 75-79, durant lesquelles le régime de Pol Pot
a procédé a un anéanissement lent et régulier
du pays.
LES
ORIGINES, LES CAUSES DE LA REVOLUTION KHMERE
Analyse du Père François Ponchaud "Cambodge
année zéro"
La révolution
Cambodgienne a surpris le monde entier par sa violence: comment les
Khmers doux et paisibles en sont ils arrivés à transformer le pays de
la douceur de vivre en un goulag ? .....
De nombreux
Cambodgiens rejettent sur l'étranger, en particulier Vietnamien, la
responsabilité des excès de cette révolution : "Le comportement des
révolutionnaires n'est pas khmer ! Il est inspiré par les Vietnamiens
qui veulent anéantir notre peuple et affaiblir notre pays pour se l'approprier".
Nous étions proches de les croire, tant les apparences pouvaient leur
donner raison.. Cependant il fallut bien admettre que les révolutionnaires
vietnamiens étaient bien retournés chez eux... et les dirigeants khmers
rouges ont bien été des ultranationalistes qui ont tenu à prendre leurs
distances vis à vis de leur grand frère socialiste.....
D' autres
observateurs ont accusés la Chine. Selon eux, la révolution khmère
serait une expérience révolutionnaire modéle, opérée par la Chine sur
un petit peuple non industrialisé... Les apparences ne leur donnaient
pas totalement tort... et sur de nombreux points les dirigeants du Kampuchea
ont suivi le modèle chinois : retour à la terre, désir d'autarcie, médecine
traditionnelle, société rigoureusement égalitaire, positions identiques
en politique étrangère etc. Cependant la révolution khmère est trop
différente de celle de la Chine pour être conduite directement par elle.
La révolution
khmère est bien dirigée par des Khmers. Les méthodes
sont purement cambodgiennes, même si les modes idéologiques
sont inspirés.
La
race khmère est une race de guerriers redoutables. Si, depuis le XVI
ème siècle, le Cambodge subit défaites sur défaites contre ses voisins
expansionnistes thaïs et viets, ce recul est dû davantage aux intrigues
de palais et à l'incompétence des chefs militaires qu'à la diminution
de l'ardeur guerrière du peuple. [Durant la guerre d'indochine les officiers
jetaient leur dévolu sur des soldats khmers de préférence aux vietnamiens,
en juin 1970 les Vietnamiens durent battre en retraite devant les Khmers
à Kompong Thom, abandonnant des milliers de morts]
Les Khmers ont de tous temps, usés de procédés sanguinaires :
entre 1968 et 1970 des prisonniers étaient attachés, ventre ouvert,
à des arbres; d'autres ont été projetés du haut des falaises de Bokor;
les villages étaient rasés, les villageois tués à coup de bâton par
les paysans...
L'esprit de vengeance, cette violence des timides, s'est exercé implacablement,
même au risque de conduire le pays à la catastrophe...
Le
Khmer respecte l'autorité [rappel du vieux fonds hindouiste dans lequel
l'autorité est une émanation divine]. Il a une confiance fondamentale
dans la capacité des dirigeants... Les Khmers Rouges ont utilisé à leur
profit cette capacité instinctive de tout Khmer à obéir au pouvoir en
place : on ne s'oppose pas à l'ordre, on évite de se singulariser dans
une opposition, on a peur d'être seul à le faire... Ainsi quelques poignées
de révolutionnaires ont pu vider Phnom Penh et les autres villes...
Le mode
de pensée, la logique khmère est aussi une des raisons des excès : Après
de longues palabres, qui peuvent durer des jours, pour établir des statuts
où rien n'était oublié, à élaborer des projets aussi irréalisables les
uns que les autres, le Khmer fonce sans prendre en compte les réalités
annexes, ni prévoir les conséquences pratiques. En fait, on se satisfait
de bonnes intentions, et lorsque le projet ou le statut était enfin
établi, les difficultés qui les avaient provoquées étaient elles-mêmes
résolues ou dépassées.
Les divers
aspects du tempérament khmer ne suffisent pas à rendre compte de cette
extraordinaire révolution.
D'autres causes ont joué, alors qu'en apparence, peu de raisons poussaient
les khmers vers la révolution.
Economie
stagnante et nationalisme furent repris par les Khmers Rouges pour stigmatiser
les troupes et se justifier auprès du peuple.
Les Occidentaux
n'apercevaient du Cambodge qu'un peuple heureux. Les campagnes vivaient
calmes, les paysans "adoraient" leur leader vénéré, les villes proprettes
et bien administrées donnaient le spectacle d'un développement humain
harmonieux, en contraste avec le Vietnam en guerre depuis trente ans
ou le Laos resté en léthargie. Il n'y avait apparemment pas de problèmes
sociaux ou agraires majeurs. Au contraire de la Chine ou du Vietnam,
il n'y avait guère de grandes propriétés. La terre, possession de la
couronne, appartenait à celui qui la défrichait. Certes les paysans
étaient pauvres, mais rarement misérables; ils vivaient en harmonie
avec la nature qui les entourait. "Qu'importe d'être à l'étroit dans
sa maison, pourvu que l'on soit à l'aise dans son cœur."
Cet art
de vivre portait cependant en lui des germes de destruction. Après la
grandeur du XIIIe siècle, le royaume khmer avait connu une très longue
période de décadence: Angkor avait été prise une première fois par les
Thaïs en 1394, puis totalement abandonnée par sa population en 1432.
A la faveur d'intrigues de palais, Thaïs et Viets avaient guerroyé au
Cambodge pendant près de quatre siècles, chacune des deux puissances
en expansion répondant à l'appel d'un prétendant au trône khmer. Entre
1841 et 1845, le Cambodge avait même été annexé purement et simplement
par le Vietnam. Ainsi pendant des siècles, le peuple khmer avait été
humilié, écrasé, avait dû subir des invasions dévastatrices, supporter
des conscriptions, des levées d'impôts de la part des divers belligérants.
En 1863, sur la demande du Roi Ang Doung, puis du Roi Norodom, la France
avait établi son protectorat sur le Cambodge.
La colonisation
française de 1863 à 1953 avait amené l'ordre et la paix. La France fit
rarement sentir la férule de son pouvoir au peuple khmer, contrairement
à ce qui se passait au Vietnam voisin et les rapports entre Khmers et
Français ont été empreints jusqu'à une date très récente d'amitié réciproque.
Seule les mesures prises par le gouverneur Charles Thomson, sous le
gouvernement de Jules Ferry en 1884, provoquèrent la colère du peuple
khmer: ces mesures, qui ne laissaient au souverain khmer qu'un pouvoir
symbolique, aboutirent à une véritable rébellion. Pourtant, de toute
l'histoire de la colonisation française au Cambodge, un seul fonctionnaire
français a trouvé la mort dans l'exercice de ses fonctions : en 1925,
l'administrateur Bardez avait commis la faute impardonnable d'aller
lever les impôts à Kompong Chhnang durant la fête sacrée du Nouvel An
khmer. Durant la guerre franco-japonaise, de nombreux Français avaient
eu la vie sauve grâce à la protection de khmers qui les avaient cachés
et nourris.
Cependant
la colonisation avait contribué à aviver puis à exaspérer le nationalisme
khmer. Sans doute le peuple appréciait la paix et l'ordre, mais la France
était un pays étranger.
Consciente
de sa grandeur, elle prétendait, avec une assurance tranquille, détenir
la norme universelle du savoir-vivre et de la culture. Si de nombreux
intellectuels et le prince Sihanouk lui-même savaient gré à la France
d'avoir sauvé le Cambodge de l'anéantissement total en 1863, nombreux
ceux qui lui reprochaient d'avoir gardé leur pays dans son sous-développement
économique et culturel. On reprochait également à la France d'avoir
exercé son pouvoir par l'intermédiaire de fonctionnaires vietnamiens.
Cette procédure entretenait l'antagonisme ancestral qui depuis plus
de sept siècles opposait les deux races. Quand le Cambodge deviendra
indépendant, il se trouvera démuni de tout, tant sur le plan économique
que sur le plan administratif. La France sera accusée également d'avoir
consacré la séparation de la Cochinchine, berceau du Cambodge, au profit
des Vietnamiens envahisseurs.
Dans son
système d'administration, la France républicaine aux idées démocratiques
s'était appuyée sur le régime en place : une monarchie féodale vieille
de près de dix siècles. Les rois portaient une large part de responsabilité
dans la décadence de leur pays, mais peu de gens en avaient conscience,
le roi, la race et la religion étant les trois bases sur lesquelles
reposait la nation. Ce roi "mangeait le royaume", selon l'expression
imagée de la langue khmère pour exprimer ce type de gouvernement. Il
était secondé par des mandarins féodaux qui à leur tour "mangeaient
les provinces". Le pouvoir était considéré avant tout comme une
promotion, une récompense personnelle plus qu'un service du peuple,
mais les bénéficiaires de ce pouvoir étaient rarement objets de haine
ou de révolte : le détenteur du pouvoir avait, tout simplement, de "la
chance" ; il bénéficiait d'un bon karma, c'est-à-dire qu'il possédait
une " charge de mérites" redevable à la bonne conduite qu'il avait eu
la sagesse de mener dans sa vie antérieure. Il ne tenait qu'à chacun
"d'amasser des mérites" en cette vie pour obtenir une fonction semblable
dans une vie future.
Un courant
antimonarchique et antiféodal avait commencé cependant à se dessiner
au Cambodge. Déjà en 1336, "le jardinier aux concombres doux" avait
détrôné les dieux en assassinant son roi et en prenant sa place sur
le trône. Longtemps après, vers les années 1930, sous l'influence des
études française, Son Ngoc Thanh et un groupe d'intellectuels cochinchinois
commençaient à s'en prendre violemment au régime monarchique et à la
France qui le cautionnait. Avec l'indépendance en 1953, le pouvoir royal
n'avait guère évolué et restait tout aussi absolu, en dépit d'élection
d'un parlement. Dans sa propagande officielle, le régime révolutionnaire
Khmer Rouge s'inscrit dans la ligne de cette opposition démocratique,
fustigeant la monarchie et son système féodal qui "a réduit le peuple
en esclavage pendant deux mille ans et ruiné le pays"
Sur le
plan économique, la France s'intéressa fort peu au Cambodge, petit marché
dont les richesses en matières premières représentaient peu de valeur.
Elle préférait investir au Yunan, au Tonkin ou en Cochinchine, et se
contentait d'intégrer le royaume khmer dans son système économique.
Si l'on en croit les analyses économiques de Khieu Samphân, l'intégration
économique d'un pays sous-développé comme l'était le Cambodge dans le
système économique français ne permettait pas le développement du pays
: La France importait quelques matières premières en provenance du Cambodge
à des prix très bas, mais y revendait très cher, ses produits manufacturés.
L'épargne des Cambodgiens servait presque exclusivement à acheter des
produits français et non à investir dans le pays. "Les seules périodes
d'industrialisation sérieuse des pays sous-développés se situent pendant
la guerre mondiale, c'est-à-dire au moment où l'autarcie forcée réduit
la concurrence étrangère et que les capitaux étrangers n'affluent plus"
A partir
de 1921, la culture des hévéas suscita un regain d'intérêt des capitalistes
français qui commencèrent à investir davantage. Là encore, le travail
des ouvriers khmers et vietnamiens servait plus au développement de
l'économie française qu'à celle du Cambodge, bien qu'elle lui apportât
la majeure partie des devises étrangères de son budget. Sur le plan
social, les conditions pécuniaires des travailleurs étaient meilleures
que celles des autres ouvriers cambodgiens. Il n'en reste pas moins
que leurs conditions de vie ressemblaient fort à celles des ouvriers
français aux années les plus noires de notre XIXe siècle : Il n'est
donc pas étonnant que les plantations aient toujours été des foyers
de propagation des idées marxistes, non seulement auprès des vietnamiens,
mais aussi des khmers.
L'essor
du commerce français et celui des plantations eut pour effet de généraliser
l'emploi du cadastre et de réglementer le système de propriété. Sans
prendre pour argent comptant toutes les réflexions de Hou Youn dans
sa thèse qui s'appuie plus, semble-t-il, sur des présupposés idéologiques
anticolonialistes que sur une analyse récente et chiffrée de la situation
des terres au Cambodge, on doit cependant constater qu'un malaise commençait
à naître. Afin d'acquérir les biens de consommation importés de l'étranger,
l'argent devenait nécessaire pour le paysan habitué au troc jusqu'à
la fin du XIXe siècle. Seule sa récolte constituait une valeur marchande.
Si elle ne suffit pas, sa terre devenait monnaie d'échange pour l'acquisition
de billets de banque. Les résidents chinois, à qui les lois de 1929
avaient interdit la culture des terres, devenaient des intermédiaires
ou " compradore", vendant aux paysans les marchandises étrangères et
leur achetant leurs produits. Faisant sans cesse plus de profit, ils
pouvaient prêter de l'argent nécessaire aux paysans à des taux usuraires
atteignant 200 ou même 300% par an! Il arrivait à des paysans de ne
travailler que pour rembourser. Ainsi, bien qu'on ne puisse à proprement
parler de grosses propriétés, les terres commençaient à se rassembler
entre les mains des capitalistes locaux.
En 1956,
le prince Sihanouk avait essayé de remédier aux prêts usuraires en instituant
un crédit agricole et une sorte de coopérative pour le ramassage des
produits agricoles. Mais les directeurs du crédit ou des coopératives
exploitaient les paysans d'une façon encore plus éhontée que les commerçants
chinois. Le système féodal qui veut que toute charge rapporte un bénéfice
ne pouvait être aboli par une loi ou une organisation nouvelle : c'était
une transformation complète des mentalités qu'il fallait opérer.
Si l'on
se tournait du côté de l'administration, c'était la même constatation
: l'exercice féodal du pouvoir n'avait guère évolué avec l'indépendance.
Les gouverneurs de provinces étaient les nouveaux vassaux qui écrémaient
les richesses du petit peuple pour offrir leur tribut à la famille royale,
et surtout, disait-on, à la reine mère. Policiers, douaniers, agents
de renseignements ayant des salaires dérisoires se rattrapaient sur
l'habitant, afin d'entretenir le ban et l'arrière-ban de leur famille
et donner prébende à leur supérieurs hiérarchiques. On peut imaginer
au prix de quelles exactions. Dans l'administration supérieure de Phnom
Penh, la corruption, même du temps de Sihanouk, atteignait là une ampleur
à peine convenable. Un député de province, fort corrompu, me disait
un jour que les fonctionnaires en poste à Phnom Penh amassaient en un
jour plus que lui en un an.
On comprend
ainsi qu'une propagande intelligente ait su exploiter ces injustices
en "conscientisant" les paysans et attisant leur haine pour les villes
où se concentraient commerçants chinois et personnel de l'administration.
Je n'ai pas été surpris d'entendre, au matin du 18 avril 1975, un cadre
khmer rouge m'expliquer : "Les ennemis du peuple cambodgien, ce sont
les commerçants chinois vivant dans notre pays". Traditionnellement,
les ennemis des Khmers étaient les vietnamiens envahisseurs. Ce Khmer
Rouge présentait une analyse de l'exploitation marxiste de son peuple
qui reléguait à l'arrière-plan les haines historiques. C'est sans doute
pour cette raison que les commerçants chinois ont été, au dire des réfugiés,
beaucoup plus maltraités que l'ensemble de la population déportée.
Certes,
les Khmers étaient nombreux à déplorer ces abus du pouvoir féodal; ils
aspiraient à un changement de société. Ils ne possédaient cependant
pas les outils nécessaires pour analyser leur situation, ni les moyens
efficaces pour la changer. Non seulement les gens en place étaient responsables
des injustices, mais le peuple lui-même favorisait à son insu les mécanismes
d'exploitation, habitué qu'il était à vivre dans ce système.
Même les
intellectuels de formation marxiste - il n'en manquait pas - exerçaient
leur service public avec des dents aussi longues que les mandarins d'antan.
Il suffit de citer tel député-ministre notoirement connu comme progressiste
et même communiste : il avait commencé une carrière sans un sou vaillant,
mais pouvait, en 1967, se retirer dans son exil en France, avec une
copieuse fortune.
Le 18 mars
1970, la jeunesse, le corps enseignant, l'armée et beaucoup de gens
probes saluaient le coup d'état renversant Sihanouk comme l'avènement
d'une ère de justice, succédant à la pourriture du régime féodal. La
République suivit cependant les traces du royaume, et le rêve généreux
s'évanouit pour laisser place à une corruption d'autant plus généralisée
que le nombre de ceux qui avaient accès aux postes de commandement était
plus important que jamais.
L'histoire
de la République khmère est, pour les vrais démocrates khmers, celle
d'une immense déception. Un changement radical de mentalité et de rapports
humains était indispensable. Pour le réaliser, ne restait-il donc que
le remède sanglant de la révolution?
Textes extraits de " Cambodge année
zéro "du père François PONCHAUD.
LES
ACTEURS
Les principaux
acteurs du génocide khmers rouges sont connus:
Voici,
pour chacun d'entre eux leur histoire.
SALOT Sâr alias POL POT
Né,
au sein d'une famille paysanne, le 19 ou le 25 mai 1928 à Prek Sbauv,
province de Kompong Thom. Il est l'avant-dernier de 9 enfants, dont
deux filles. Un de ses frères, Saloth Suong, est employé au service
du protocole du Palais Royal, à Phnom Penh. Une sœur, Saroeun entre
dans le corps de ballet du palais royal et devient une concubine du
roi Monivong. Sâr et son frère Chhay les rejoignent en 1934. Après
un an passé dans une pagode proche du Palais, Sâr effectue ses études
primaires dans un établissement catholique réservé à l'élite.
Etudes
secondaires à Kompong Cham (1942-1947). Brevet d'enseignement industriel
(Charpentier) au collège technique de Phnom Penh (1948-1949). Grâce
à ses liens avec des personnalités du Parti Démocrate, il obtient
une bourse pour suivre des études en France (août 1949). Passe ses
vacances de l'été 1950 dans une "brigade de travail" à Zagreb, en
Yougoslavie. Etudes inachevées - trois tentatives infructueuses pour
obtenir son diplôme - à l'Ecole Française de Radio-électricité à Paris
(septembre 1949-décembre 1952).
Participe
activement aux activités du Cercle Marxiste des Etudiants Khmers à
Paris. Signe, en 1952, son premier article, intitulé "Monarchie ou
Démocratie ?" et publié dans la revue des étudiants Khmers dirigée
par Keng Vannsak Khmer Nisut, de la formule "Khmer des origines".
Adhère au parti communiste français fin 1952.
Retour
au Cambodge en janvier 1953. Il adhère au parti communiste indochinois
peu avant que celui-ci se scinde en trois partis et donne naissance
au Cambodge au PRPK (Parti Révolutionnaire du Peuple du Kampuchea).
Passe plus d'un an dans les maquis de l'Est du Cambodge contrôlés
par le Vietminh (août 1953-octobre 1954). Il y rencontre Thou Samouth,
secrétaire général du PRPK, qui complète sa formation communiste.
De retour
à Phnom Penh, il collabore à des journaux d'opposition et en particulier
à Samaki, dirigé par son frère Saloth Chhay. Il y développe des théories
autarciques, exalte la pauvreté de la race khmère et appelle à la
restauration de l'empire angkorien par la récupération des territoires
concédés à la Thaïlande et au Vietnam.
Il participe
activement à la campagne électorale de 1955 en faveur du Pracheachon
et de la gauche du parti démocrate.
Professeur de français, d'histoire et de géographie dans une école
privée de Phnom Penh (1956-1963).
Epouse
le 14 juillet 1956 en premières noces, Khieu Ponnary, sœur de Khieu
Thirith. Il devient le beau-frère de Ieng Sary et, en fonction des
alliances et au travers des multiples liens de sa famille avec le
Palais, cousin de Norodom Sihanouk.
Elu membre
du Comité Central et membre du Comité permanent du PRPK (1960). Secrétaire
général du PRPK (1961). Suite à la disparition de Thou Samouth, il
devient secrétaire général par intérim (1962). Le PRPK devient le
PTK (Parti des Travailleurs du Kampuchea).
Confirmé
comme secrétaire général du PTK au congrès des 20-21 février 1963,
il entre dans la clandestinité (mai 1963). Il s'installe à un endroit
baptisé Bureau 100 dans le district de Kroch Chhmar, province de Kompong
Cham.
Quitte
le Cambodge en juin 1965 pour Hanoi, puis Pékin et Pyong Yang. Travaille
avec Deng Xiaping, alors secrétaire général du Comité Central du Parti
Communiste Chinois. Retour au Cambodge en septembre 1965.
En 1966,
il transforme le PTK en PCK.
Fin 1969, début d'un deuxième voyage à Hanoi, Pékin et Pyong Yang.
Il se trouve dans ces deux capitales en mars 1970 au moment où Sihanouk
s'y rend. Il entre au Cambodge en juin 1970 et s'installe dans le
district de Santuk (Est de la province de Kompong Thom) qui devient
la " zone 31 ".
Un congrès
du PCK le confirme comme secrétaire général et le nomme président
de la commission militaire. Il signe " l'appel des 91 intellectuels
" (30 septembre 1971). Il accueille Sihanouk et Monique au Phnom Koulen,
le 23 mars 1973.
Ses partisans
commencent à pratiquer l'élimination physique systématique des opposants
et des suspects (20 mai 1973). La zone préfigure le Cambodge d'après
avril 1975. Impose le principe de l'évacuation forcée des villes et
de la suppression de la monnaie (24-25 février et 4 avril 1975).
Retour
à Phnom Penh qu'il avait quitté en mai 1963 (24 avril 1975). La ville
a déjà été vidée de sa population.
Présente
les grands axes politiques du nouveau régime (20-25 mai 1975). Le
polpotisme devient une réalité avant même d'avoir un nom. Les directives
qui émanent de Saloth Sar sont signées d'un nom de code : bureau 870.
" Elu
" représentant des travailleurs des plantations d'hévéas lors de "
l'élection " d'une assemblée des représentants du peuple (20 mars
1976). Il prend le nom de Pol Pot (13 avril 1976).
Déjoue
deux tentatives de coups d'Etat (avril-mai 1976).
Premier ministre du Kampuchea Démocratique (14 avril 1976). Remplacé
comme premier ministre par Nuon Chea (27 septembre-15 octobre 1976).
Déjoue
une nouvelle tentative de coup d'Etat (avril 1977).
Début
de la solution finale cambodgienne : une directive ordonne de procéder
aux " trois extirpations " : tous les Vietnamiens encore au Cambodge,
tous les Khmers parlant le Vietnamien et tous les Khmers ayant des
relations (mariage, amitié, travail) avec des Vietnamiens (1er avril
1977).
Quatrième
tentative de coup d'Etat (août 1977)
Dans
un discours de cinq heures radiodiffusé, Pol Pot révèle que l'organisation
qui a pris le pouvoir en 1975 est le PCK (30 septembre 1977).
La zone
Est se soulève ? Une répression brutale suit (mai-juin 1978).
Début
de l'intervention vietnamienne (25 décembre 1978).
Pol Pot
rencontre Sihanouk pour la première fois depuis 1973 et lui demande
de défendre le KD à l'ONU (5 janvier 1979). Il quitte Phnom Penh par
hélicoptère le matin du 7 janvier 1979, puis s'installe près de Trat
en Thaïlande pour plus de douze ans (27 juin 1979).
Condamné
à mort par contumace par le Tribunal Révolutionnaire Populaire de
Phnom Penh, le 19 août 1979.
Démissionne
de son poste de secrétaire général du PCK, celui-ci devenant la PKD
(7 décembre 1981).
Directeur
de " l'Institut supérieur de défense nationale " de la PKD.
Son épouse est internée dans un établissement psychiatrique à Pékin
(début des années quatre-vingt). Il se remarie (1987). Il a un enfant
(1988). Il reçoit régulièrement des cadres de la PKD lors de séminaires
au cours desquels il se livre à de longues analyses.
Il est
présent dans l'hôtel où se tiennent les négociations de paix lors
de la deuxième réunion de Pattaya, en Thaïlande (24-26 juin 1991).
Il est rentré au Cambodge en 1992. Sous le nom de code 87, il reste
le numéro 1 de la hiérarchie de la PKD.
Certains
de ses écrits ont été traduits et publiés par Chandler, Kiernan et Boua
et réunis sous le titre " Pol Pot plans the future ".
En 1997,
Pol Pot est capturé dans la jungle par des "camarades"
qui le retrouvent dans un mauvais état de santé. Il souffre
de malaria et de sérieux problèmes de cur. Il est
traduit devant la justice cambodgienne qui le condamne à la prison
à vie. Les États Unis avaient également un plan
pour capturer Pol Pot et le traduire devant un tribunal international.
Pol Pot
meurt en 1998 d'une crise cardiaque. Cependant plusieurs journalistes
doutent de sa mort. Tandis que d'autres journalistes prétendent
qu'il est plutôt mort d'un empoisonnement.
POL
POT sur son lit de mort
POL
POT LE PROCES
Fin 1979,
le chef historique des Khmers rouges laissait au monde ses dernières
images captées par une équipe de reporters japonais, lors
dune conférence de presse aux frontières thaïlandaises,
à la suite de son éviction par larmée vietnamienne.
Il emportait avec lui le souvenir atroce de deux millions de Cambodgiens
dont il avait provoqué la mort (entre 1975 et 1979) par la torture,
la faim ou lexécution sommaire. Depuis, il menait la guerilla
dans le nord du Cambodge et continuait à semer la terreur, notamment
dans son fief dAnlong Veng où il décidait toujours
de la vie ou de la mort de ses sujets.
SALOTH
SAR,FRÈRE NUMÉRO UN
Absolument
inaccessible, donné déjà pour mort en juin 1996
des suites du paludisme, curieusement ressuscité sur un brancard
entouré dun dernier carré de fidèles, en
fuite dans le nord du Cambodge, indésirable en Thaïlande
et en Chine, faisant exécuter dans sa course éperdue son
ancien ministre de la Défense, Son Sen et onze membres de sa
famille, il est enfin arrêté par ses propres sujets. La
radio officielle des Khmers rouges annonçait: Pol Pot sest
rendu le 18 juin 1997, nouvelle qui laissait sceptique le monde
entier et rendait, en revanche, nécessaire sa comparution devant
un tribunal international. La réapparition spectaculaire de Saloth
Sar ou Frère numéro un lors de son procès
par ses pairs, filmée par un journaliste américain, Nate
Thayer de lhebdomadaire Far Easter Economic Review
basé à Hongkong, la de nouveau remis en selle. Ce
nétait plus le guerrier invincible, mais un homme de soixante-dix
ans aux cheveux blancs, diminué par lâge et la maladie,
soutenu par des soldats et sappuyant sur une canne. Nate Thayer
qui était accompagné dun cameraman couvrait déjà
depuis de longues années la guérilla des Khmers rouges.
Il était le seul journaliste autorisé à assister
au procès de Pol Pot tenu le 25 juillet dans les plus pures traditions
communistes et qui sest achevé par la condamnation du chef
des Khmers rouges à la prison à vie. En même temps
que ce procès, se déroulait celui de trois généraux
de Pol Pot qui avaient les mains attachées et ont dû être
exécutés. Vendant à un prix dor les photos
du procès - 100.000 dollars US la photo - Nate Thayer a trouvé
acquéreur en la chaîne de télévision américaine
ABC qui a diffusé au soir du lundi 28 juillet des extraits de
la bande vidéo du procès, dont lui-même rendra largement
compte dans son reportage à paraître le 7 août dans
la «Far Eastern Economic Review». Les droits dune
vidéo ont été, également, acquis par la
Australian Broadcasting corporation en Australie, tandis que lAgence
France-Presse achetait par la suite les droits exclusifs de distribution
des premières photographies de Pol Pot. Nate Thayer a pu confier
au sujet du procès: «Les événements de son
éviction et son procès étaient si traumatisants
que je pensais quil pourrait en mourir. Vous pouviez lire langoisse
sur son visage quand il était dénoncé par ses propres
sujets. Il était au bord des larmes.»
Mais cet
homme pouvait-il enfin connaître lémotion? Dinspiration
maoïste, il avait rêvé de construire une société
agraire et conduit le peuple cambodgien vers les rizières, entassant
sous un régime de terreur intolérable les cadavres des
millions de Cambodgiens dans des fosses communes. Menant la logique
révolutionnaire jusquau bout, son mouvement avait boycotté
les élections libres de mai 1993 prévues par les accords
de paix de Paris en octobre 1991 et qui avaient donné naissance
à un gouvernement de coalition co-présidé par le
prince Norodom Ranariddh et Hun Sen, lui-même ancien Khmer rouge.
Bien que déclarés hors-la-loi par lAssemblée
nationale en juillet 1994, les Khmers rouges ralliaient progressivement
le pouvoir en place. Cinq de leurs six divisions lâchaient Pol
Pot. En août 1996, la défection la plus spectaculaire était
celle de Ieng Sary, ex-ministre des Affaires étrangères
et, de surcroît, beau-frère de Pol Pot. Lune des
plus hautes autorités des Khmers rouges, Khieu Samphan sapprêtait
à rejoindre la légalité et à créer
une nouvelle formation politique. Son Sen entendait suivre la même
voie lorsque Pol Pot la fait exécuter. Mais le mouvement
des Khmers rouges déversait ses forces dans les rangs du prince
Ranariddh et une sorte dalliance tacite ou concertée risquait
de renforcer limage de celui-ci et dassurer sa victoire
aux législatives prévues pour mai 1998. Des affrontements
préliminaires eurent lieu entre les forces rivales de Hun Sen
et de Ranariddh. Puis, ce fut le coup de force du premier, les 5 et
6 juillet à Phnom Penh et léviction du second.
LONG
Bunruot alias NUON Chea
Né en
1927 à Battambang.
Etude
de la langue thaï dans un établissement pour les Khmers des provinces
occupées par la Thaïlande (1941) ; études secondaires à Bangkok, puis
études de droit non terminées à l'Université Thammasat à Bangkok (1941-1948).
Fonctionnaire
à temps partiel au Ministère des Affaires Etrangères à Bangkok (1945-1948).
Adhère
au parti communiste thaïlandais.
Retour
au Cambodge, adhère au parti communiste indochinois (1949).
Milite
avec les communistes vietnamiens et les éléments communistes du mouvement
Issarak (1949-1952).
Participe
à la création du PRPK (1951).
Stages
au Vietnam (1952-1954).
Milite
à Phnom Penh et participe à la transformation du PRPK en PTK.
Secrétaire
Général Adjoint du PTK (1962).
Vice-président
du haut commandement militaire des FAPLNK, chef de la direction politique
de l'armée (1970-1975).
Président
de l'Assemblée du Kampuchea Démocratique (1976-1979).
Premier
ministre du KD du 25 septembre au 15 octobre 1976.
Numéro
2 du parti.
Nuon Chea
KIM Trang alias IENG Sary,
Né en
1929, à Vinh Binh, au Sud-Vietnam. Khmer Krom. Fils d'un propriétaire
terrien aisé.
Arrivé
à Phnom Penh en 1943. Etudes au Lycée Sisowath à Phnom Penh. Etude
à l'Institut d'Etudes Politiques, à Paris. Epouse Khieu Thirith, la
sœur de la première épouse de Pol Pot, Khieu Ponnary (été 1951).
Un des
fondateurs du Cercle Marxiste des Etudiants Khmers à Paris. Adhère
au parti communiste français (1951). Il participe à la Conférence
du Mouvement de la Paix à Helsinki (1955).
Retour au Cambodge en 1957.
Professeur
d'histoire au Lycée Sisowath, à Phnom Penh.
Election au Bureau politique du Parti des Travailleurs du Kampuchea
(1962). Entre dans la clandestinité en 1963.
Se rend
à Pékin et entre dans le GRUNK en juillet 1971.
Conseiller
spécial de Khieu Samphan (1973).
Vice-Premier
Ministre et Ministre des Affaires Etrangères du Kampuchea Démocratique
(1975-1979).
Responsable
du camp d'internement et de rééducation de Boueng Trabek et des camps
B17 et B18 (province de Kompong Cham). A déclaré : " Nous n'avons
pas besoins de l'ancienne génération, parce que nous ne pouvons pas
changer ses pensées. Dès que nous aurons formé la nouvelle génération,
nous pourrons nous passer de l'ancienne ".
Condamné
à mort par contumace par le Tribunal Révolutionnaire Populaire de
Phnom Penh le 19 août 1979.
Responsable
du comité économique et financier du GCKD-GNC (1982-1991). Interlocuteur
exclusif des autorités chinoises pour tout ce qui concerne l'assistance
militaire et financière fournie par Pékin aux Khmers rouges.
Partisan
de la participation des Khmers rouges au processus de paix, il a été
relevé de plusieurs de ses responsabilités en 1992
KHIEU Samphan alias "Hem"
Né le
27 juillet 1931 dans la province de Svay Rieng. Fils d'un juge.
Khmer rouge.
Etudes
au Lycée Sisowath (1948-1954). Licencié en sciences économiques de
l'université de Montpellier.
Docteur
en sciences économiques de l'université de Paris (1959).
Membre
du Cercle Marxiste des étudiants de Paris.
Participe
à Pékin à une conférence de la paix (1952 ou 1953).
Secrétaire
général de l'Union des Etudiants Khmers en France (1956).
Retour
au Cambodge et adhésion au Sangkum Reastr Niyum (1959).
Professeur
au Lycée Chmaroeun Vichea.
Rédacteur
en chef de l'Observateur. Battu et humilié dans les rues de Phnom
Penh le 13 juillet 1960. Emprisonné sans jugement du 15 août 1960
au 21 septembre 1960.
Elu député
du Sangkum aux élections de 1962. Secrétaire d'Etat au Commerce jusqu'à
sa démission, le 1er juillet 1963.
Réélu
député aux élections de 1966.
Entre
dans la clandestinité le 24 avril 1967.
Militant
actif du PCK dans la province de Kompong Speu (1967-1970).
Vice-Premier
Ministre de la Défense du GRUNK (1970-1976). Signe " l'appel des 91
intellectuels " (1971). Membre du CC du PCK (juillet 1971).
Commandant
en Chef des FAPLNK (juin 1971-1975).
Chef
de l'Etat (président du Praesidium de l'Etat) du Kampuchea Démocratique
(avril 1976-janvier 1979).
Premier
Ministre d gouvernement du Kampuchea Démocratique en exil (décembre
1979-juin 1982).
Vice-Président
et Ministre des Affaires Etrangères du GCKD-GNC (1982-1991).
Président
de la " Partie du Kampuchea Démocratique ", nom que se sont donnés
les Khmers rouges après 1982.
Membre
du CNS (1990-1993).
Président
du Comité fondateur du PUNC (1993).
Président
et ministre de la défense du GPSNSNK (10 juillet 1994).
Auteur
de L'économie du Cambodge et ses problèmes d'industrialisation, thèse
d'économie, Paris, 1959.
EK
Choeun alias Ta Mok
Né à
Trapeang Thom, dans le district de Tram Kak, province de Takeo.
Khmer
rouge, connu comme " le boucher du Cambodge ".
Militant
Issarak. Chef du mouvement Issarak pour les districts de Tram Kak
et de Prey Krabas (1949).
Dénoncé
pour les exactions commises à l'occasion de collectes de fonds (juin
1949).
Membre
de l'Ecole Supérieure de Pâli de Phnom Penh.
Membre
du Comité Central du PCK (février 1963).
Secrétaire
adjoint du PCK de la zone Sud-Ouest (1966)
Secrétaire
du PCK et commandant militaire de la zone Sud-Ouest (1968 ou 1970).
Responsable
de la logistique des FAPLNK (1970).
Ordonne
des massacres de grande ampleur dans la zone sous sa juridiction dès
1973.
Ses forces,
combinées avec celles de Pauk (zone Nord), s'emparent de Oudong qui
est détruite et dont la population est massacrée.
Chef
d "Etat-Major de l'Armée Nationale du Kampuchea Démocratique. Dans
le seul district d'Angkor Chey, ses troupes ont massacré plus de 30
000 personnes.
Premier
Vice-président de l'Assemblée des Représentants du Peuple (20 mars
1976).
Il saute
sur une mine et perd une jambe au début des années quatre-vingt.
Participe
aux séminaires organisés par Pol Pot au Bureau 87 à la fin des années
quatre-vingt.
Chef
d'Etat-Major de l'ensemble des troupes KR (1989).
La longue
expérience d'un massacreur.
Il est
vrai que Ta Mok faisait tache dans la hiérarchie khmère
rouge. Il est en effet le seul haut dignitaire du régime à
avoir directement participé à des massacres. Ce dont
les autres leaders survivants se défendent bien, affirmant
qu'ils ignoraient tout des tueries et espérant ainsi passer
entre les mailles du filet de la justice. Surnommé le "
Boucher du Cambodge ", Ta Mok n'a pas usurpé cette appellation.
De son vrai nom Ek Choeun, il exerça sa passion de tuer sous
divers pseudonymes : Ta 15, Chhit Choeun, etc. Avant même l'arrivée
au pouvoir des Khmers rouges en 1975, il avait déjà
sérieusement sévi dans le pays.
Dès
1949, ses exactions commises à l'occasion de collectes de fonds
préjugeaient mal de la suite de sa carrière. On retrouve
sa trace quelques années plus tard, le 18 mars 1974, lors de
la prise de Oudong, ancienne capitale impériale, par ses miliciens.
La ville est systématiquement rasée et la population,
forte de 20 000 habitants, est déportée. Enseignants,
fonctionnaires et soldats républicains sont systématiquement
assassinés. " La prise de Oudong et ses suites anticipent
ce qui se produira à Phnom Penh un an plus tard ", écrit
Raoul-Marc Jennar, dans " les Clés du Cambodge "
(1).
Nommé
par Pol Pot, chef d'état major de l'armée nationale
du Kampuchéa démocratique, nom officiel du régime
khmer rouge, il fait, en 1975, massacrer par ses troupes plus de 30
000 personnes dans le seul district d'Angkor Chey. Devenu en mars
1976, vice-président de l'Assemblée populaire, il s'acquitte
avec zèle des purges sanglantes qui caractérisèrent
le régime polpotiste durant ses années au pouvoir.
Fidèle
de Pol Pot, il se réfugie avec lui, Khieu Samphan et Nuon Chea
dans le bastion d'Anlong Veng au nord du pays, à la suite du
ralliement de Ieng Sary et de son fief de Pailin en 1996. Mais en
1997, à la suite de dissensions, il dépose Pol Pot et
organise à Anlong Veng le procès de l'ex-frère
numéro 1. Jusqu'au printemps 1998 il régnera en maître
absolu dans son camp retranché au milieu de la jungle, mais
sera une nouvelle fois contraint de fuir, à la suite d'une
mutinerie de ses seconds, qui ouvriront les portes d'Anlong Veng aux
forces gouvernementales. Dès lors les traces de Ta Mok, suivi
d'une centaine de partisans, se perdent dans la forêt qui couvre
la zone frontalière entre la Thaïlande et le Cambodge.
Les journalistes
qui avaient visité pour la première fois Anlong Veng
ont été les témoins en avril 1998 du degré
de paranoïa, de cruauté et de xénophobie du chef
de guerre. Sa maison de deux étages bordait un grand lac au
centre de la principale base de la guérilla, était la
plus opulente du village, au milieu des huttes et des cabanes de ses
camarades. Elle seule était couverte de tuiles quand les simples
maquisards devaient se contenter de toits de chaume, protégeant
mal du soleil, de la chaleur et des intempéries. L'ancien hiérarque
polpotiste s'était fait installer une énorme antenne
satellite pour la télévision, et avait décoré
les murs de la demeure par des frises dérobées dans
les somptueux temples d'Angkor.
Au troisième
étage de l'école du village, les visiteurs avaient découvert
de grands tableaux mobiles en bois sur lesquels étaient peintes
les règles de conduite à Anlong Veng. " Quiconque
entre en contact avec le gouvernement de Phnom Penh, civil ou militaire,
sera tué ", selon le sixième commandement, suivi
d'une interdiction absolue d'écouter d'autre radio que les
bulletins de la station khmère rouge.
KIANG
Khek Ieu alias DEUCH Mit
Né à Kompong
Thom.Enseignant
dans la province de Kompong Cham.
Emprisonné
pour subversion (1968-1970).
Combattant
du FUNK avec Mok et Vorn Vet. Chef du service de sécurité du CC du
PCK (à partir de 1973), sous les ordres directs de Son Sen.
Directeur
de S21 (1975-1979) à Tuol Sleng. Anciennement Lycée Chau Ponhea Yat,
S21 fut le quartier général de la police secrète et le centre de torture
et d'extermination où périrent environ 20 000 personnes. Deuch participait
personnellement aux interrogations.
Tout
le personnel de S21 a pu fuir et a échappé à toute forme de condamnation
jusqu'à ce jour.
Le
repentir d'un tortionnaire khmer rouge
Kaing Khiev
Iev, dit "Deuch", patron de Tuol Sleng, le principal centre
de torture de Pol Pot, a été retrouvé dans l'ouest du Cambodge, où il
s'était converti... au christianisme et à l'action humanitaire. Détenu
à Phnom Penh, il pourrait être le témoin à charge le plus redoutable
d'un procès des Khmers rouges
Un bonze
arrose d'eau bénite une carte murale du Cambodge formée à l'aide de
crânes humains. D'autres allument des bâtons d'encens et marmonnent
des prières. Lors du nouvel an khmer, à la mi-avril, la cérémonie avait
pour objet d'apaiser les âmes errantes des victimes de Pol Pot qui n'ont
pas eu droit à une sépulture. Elle se déroulait à Tuol Sleng, Musée
du génocide, une école de Phnom Penh que les Khmers rouges avaient transformée
en centre de torture et dont seuls sept pensionnaires, sur plus de seize
mille, sont sortis vivants.
"L'expérience
m'a enseigné que si on se contentait de les torturer, ils ne diraient
rien. Aussi la torture devait-elle s'accompagner de tactiques psychologiques.
Je leur disais donc qu'ils seraient relâchés s'ils parlaient. C'était
un mensonge, mais cela marchait." Retrouvé par Nic Dunlop et Nate
Thayer, deux journalistes occidentaux, Deuch, le patron de Tuol Sleng,
a fini par tout déballer. "Au sein du Parti communiste, tout le
monde savait que toute personne arrêtée devait être tuée. C'est un fait",
a-t-il rapporté dans un entretien publié par la Far Eastern Economic
Review, un hebdomadaire de Hongkong. "Nous n'avions aucune instruction
du parti sur la façon de les tuer, mais nous n'avions pas recours à
des balles. D'habitude, nous leur tranchions la gorge", a-t-il
expliqué.
"Je
suis tellement désolé. Ceux que nous avons tués étaient de braves gens",
a-t-il dit, les larmes aux yeux. Contrairement à d'autres tueurs
khmers rouges, tel Ta Mok, en prison depuis le 6 mars, Deuch affiche
aujourd'hui des états d'âme. Né en 1942, Kaing Khev Iev, de son vrai
nom, avait disparu depuis vingt ans. Le 7 janvier 1979, quand l'armée
vietnamienne entrait dans Phnom Penh, il n'avait pas eu le temps d'effacer
son énorme travail de greffier de la mort à Tuol Sleng.
Ce jour-là,
il parvient à s'enfuir, mais sans avoir terminé de détruire les listes
de noms et les photos d'identité de ses victimes. Il a eu beau consacrer
sa dernière nuit sur place à brûler ses registres - tout en supervisant
l'assassinat de prisonniers -, une documentation unique est ainsi tombée
entre les mains des Vietnamiens : tout avait été consigné et plus de
cent mille pages témoignant de ses activités sont aujourd'hui entre
les mains d'enquêteurs et d'historiens. "Vous êtes stupide", lui
aurait reproché quelques années plus tard Nuon Chea, le numéro deux
du régime khmer rouge, dont Pol Pot était le "frère numéro un".
Depuis
1979, certains le disaient mort. D'autres affirmaient qu'il se cachait
aux environs de Païlin, zone frontalière de la Thaïlande et que des
Khmers rouges, qui ont fait la paix avec Phnom Penh, gèrent depuis 1996
de façon quasi autonome. Le sort de Deuch, exécutant des basses oeuvres
de Pol Pot, était devenu une énigme. Comme beaucoup d'autres, un témoin
et acteur-clé de la terreur qui a régné de 1976 à 1979 au Cambodge s'était
évanoui.
En fait,
aussi incroyable que cela puisse paraître, Deuch s'est reconverti au
bout de quelques années dans l'action humanitaire. Un cliché datant
de 1996 le montre aux côtés du pasteur américain Christopher LaPel,
qui l'a baptisé en janvier de la même année. "Il m'a dit : "Seigneur,
pardonne-moi pour ce que j'ai fait aux autres"", a rapporté le
missionnaire protestant originaire de Los Angeles. Deuch a ensuite travaillé
depuis pour différentes organisations humanitaires qui ignoraient son
passé de tortionnaire khmer rouge.
"C'était
notre meilleur employé, très respecté au sein de la communauté, très
intelligent et très dévoué à l'aide aux réfugiés", a déclaré au
Phnom Penh Post, un bimensuel de la capitale, un responsable de l'American
Refugee Committee, organisation humanitaire privée qui a employé Deuch
jusqu'en octobre 1996 sur la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge.
Les journalistes ont retrouvé sa trace dans la région de Païlin, près
de Samlot, où il projetait de construire un temple et une école aux
abords de son très modeste logis et dans une zone peuplée d'anciens
Khmers rouges.
Deuch a
affirmé qu'en janvier 1979, après la chute de Phnom Penh, il a rejoint
Borai, un camp de réfugiés situé en Thaïlande et bénéficiant d'une assistance
des Nations unies.
Borai était
géré par les Khmers rouges : disparitions, interrogations, exécutions
sommaires et passages à tabac y étaient fréquents. Deuch y a appris
l'anglais et y est sans doute resté jusqu'à la fermeture du camp, après
l'accord de paix signé à Paris en octobre 1991. Quel a été son rôle
à Borai ? Il n'en a pas parlé.
De 1976
à 1979, Tuol Sleng a accueilli les victimes de purges décidées par la
direction khmère rouge. Des "décisions prises collectivement", a
affirmé Deuch, qui rendait directement compte à Son Sen, alors vice-premier
ministre et ministre de la défense, assassiné en 1997 sur ordre de Pol
Pot. Son Sen, qui le qualifiait de "bien-aimé camarade Deuch" dans
leur correspondance, l'a nommé en octobre 1975 à la tête des services
de sécurité khmers rouges. Il était le chef du santebal, la "branche
spéciale" au coeur de l'épuration et dont le siège a été transféré
en 1976, après la victoire des Khmers rouges, à Tuol Sleng. Deuch a
reconnu sa signature et celle de Nuon Chea sur des documents qui lui
ont été présentés en avril. Immersion, arrachage des ongles, chocs électriques,
coups étaient les moyens de dicter des aveux.
Dans les
documents retrouvés à Tuol Sleng, et dont Ben Kiernan a produit une
étude exhaustive dans Le Génocide au Cambodge (Gallimard), Deuch ne
reconnaît qu'une erreur, la fuite d' "un ennemi intérieur" du
"lieu où on l'interrogeait". "La seule fois qu'un espion s'est évadé"
représente, écrit-il, "la défaite la plus amère de notre ministère
de la branche spéciale". Tuol Sleng n'est pas seulement un centre
de torture et de mise à mort. Ben Kiernan a également retrouvé un compte
rendu d' "expérimentations humaines" effectuées sur dix-sept
prisonniers, vivants et morts, dont une jeune fille "de dix-sept
ans, égorgée et éventrée", une "femme corpulente, égorgée,
éventrée et éviscérée", ou encore "une adolescente, encore
vivante, immergée les mains liées". Deuch pratiquait notamment
des expériences d'immersion, afin de calculer le temps de la remontée
des corps à la surface de l'eau.
Vann Nath,
l'un des sept rescapés de Tuol Sleng, a rapporté, dans ses Mémoires,
Portrait d'une prison cambodgienne, que Deuch avait ordonné que soient
accusés "de tendances à la dissidence deux garçons de neuf ans,
deux fillettes de dix ans et cinq autres enfants âgés de moins de seize
ans". "Tuez-les tous", avait-il écrit sur l'ordre d'exécution signé
le 30 mai 1978. Un Khmer rouge, qui a fait défection dans les années
70, l'a décrit "irascible, impatient et doctrinaire". François
Bizot, membre de l'Ecole française d'Extrême-Orient, qui a été détenu
par Deuch en 1970, a rapporté que ce dernier "considérait comme
traîtres et menteurs tous les Cambodgiens professant une autre opinion
que la sienne et rossait personnellement les prisonniers qui ne disaient
pas la "vérité", ce qui avait le don de le mettre hors de lui ".
Originaire,
comme Pol Pot, de la province centrale de Kompong Thom, Deuch est né
dans une famille de paysans pauvres. Mais il fait de brillantes études.
Après avoir décroché son baccalauréat à dix-sept ans, à Phnom Penh,
il retourne à Kompong Thom pour enseigner au collège de Balaing. Arrêté
en 1967 pour avoir dirigé une émeute, il est détenu sans procès jusqu'en
1970. Il disparaît quand Lon Nol renverse, cette année-là, Norodom Sihanouk.
C'est à cette époque qu'il a rejoint le Parti communiste, clandestin,
dont Pol Pot assurait déjà la direction.
Se présentant
comme un ancien "technicien du Parti communiste", Deuch a déclaré
à la Far Eastern Economic Review : "Je me souviendrai toujours de
la première partie de ma vie. A l'époque, je pensais que Dieu était
très mauvais, que seuls les mauvaises gens priaient Dieu. Ma seule faute
a été de ne pas servir Dieu mais de servir les hommes, de servir le
communisme (...). Je voulais être un bon communiste. Désormais, dans
la deuxième moitié de ma vie, je veux servir Dieu." Mais est-il
prêt à témoigner à l'occasion d'un procès des Khmers rouges, ainsi qu'on
l'a rapporté ? Puisque le temps des "représailles" - c'est
sa propre expression - est venu, envisage-t-il autre chose que le repentir
?
Son éventuel
témoignage au cours d'un procès fournirait, selon l'enquêteur Craig
Etcheson, cité par l'Asian Wall Street Journal, "le lien manquant
entre les auteurs intellectuels et les exécutants du génocide".
Déjà, Deuch a impliqué Nuon Chea, l'idéologue du régime, lequel lui
a notamment ordonné de tuer une poignée de prisonniers occidentaux "et
de brûler leurs corps à l'aide de pneus pour que ne subsistent pas d'ossements".
Auparavant, le principal homme de main de Deuch, Nam Nay, leur
avait fait subir des chocs électriques pendant un mois. La "confession"
d'un Américain, James Clark, écrite sous la torture, a été retrouvée
et son exécution à l'âge de trente-cinq ans peut déboucher sur des poursuites
internationales contre Nuon Chea, comme contre Deuch.
Ce dernier
a déclaré que Khieu Samphan, ancien président du Kampuchea démocratique,
le nom officiel de la dictature khmère rouge, était au courant d'un
certain nombre de crimes, mais que Ieng Sary, "frère numéro trois"
dans la hiérarchie khmère rouge et qui coule des jours tranquilles
entre Païlin et Phnom Penh depuis 1996, en savait sans doute moins car
il s'occupait avant tout des relations avec l'étranger. Parmi les autres
dirigeants khmers rouges encore en vie, Ta Mok, surnommé "le boucher"
et incarcéré depuis près de trois mois, est directement menacé.
Un autre ancien chef de zone, Ke Pauk, rallié à Phnom Penh en 1998 et
intégré dans l'armée royale avec le rang de général, est également visé.
Après la
publication de ses propos, Deuch s'est sauvé de Samlot le 1er mai et
a été retrouvé quelques jours plus tard par la police. Il est actuellement
emprisonné à Phnom Penh et inculpé, comme Ta Mok, d'appartenance à un
groupe de hors-la-loi. Comme dans le cas de Ta Mok, un avocat proche
du pouvoir a accepté d'assurer sa défense. Tout en maintenant que le
procès des Khmers rouges se ferait au Cambodge et devant la justice
cambodgienne, le premier ministre cambodgien a accepté la présence de
juges - "une dizaine, y compris des Américains", a-t-il proposé
-, d'avocats, de procureurs et d'experts étrangers. Hun Sen a également
indiqué, à plusieurs reprises, que d'autres anciens dirigeants khmers
rouges pouvaient être inculpés par la justice.
Une négociation
sur le "caractère international" du tribunal organisée fin
août à Phnom Penh avec les experts de l'ONU a échoué. Hun Sen doit rencontrer
Kofi Annan le secrétaire général des Nations unies à New York à la mi-septembre
pour tenter de trouver une solution.
En effet,
l'indépendance et la compétence de la justice cambodgienne, dont les
rangs ont été notamment décimés par les Khmers rouges, est fortement
contestée. Bas salaires, culture d'impunité, corruption, ingérences
politiques : un rapport de l'ONU y a vu, en avril, "le principal
obstacle aux efforts pour instaurer un Etat de droit au Cambodge". En
outre, le Parlement devra modifier la loi pour introduire une juridiction
mixte et de droit cambodgien.
Le 20 mai,
des centaines de personnes sont allées se recueillir, dans la banlieue
de Phnom Penh, sur le site des charniers où étaient jetés les corps
des victimes de Deuch. Bonzes et nonnes étaient présents. Les enfants
et les habitants des environs ont prié. Des offrandes ont été offertes
aux âmes errantes. Le 20 mai avait été décrété, au début des années
80, "jour de la haine", car c'est ce jour-là de 1976 que Pol
Pot et le comité central du PC avaient décidé la collectivisation totale
du Cambodge, provoquant des famines supplémentaires qui devaient peser
lourd dans la disparition de 1,7 million de Cambodgiens, soit le quart
de la population de l'époque, sous la férule des Khmers rouges. Le 20
mai a été rebaptisé "jour de la mémoire". Une mémoire vive.
Jean-Claude
Pomonti
Imputer
la responsabilité des massacres à une clique restreinte, peut donner
bonne conscience à certains, mais ce ne serait qu'une manière cynique
de déguiser la réalité : près de 22 % des personnes actives ont été
attachées à l'appareil administratif et de surveillance. Une forte proportion
de l'actuelle classe politique et la quasi totalité de l'administration
locale sont constitués de personnes "récupérées" de l'ancienne administration
des Khmers rouges : il n'y avait personne d'autre à qui faire appel!
Les acteurs
responsables de cette tragédie furent bien plus nombeux, et quantité
d'entre eux ont disparus ou se sont fondus dans la population, profitant
de la nature même des Khmers et de cette capacité incroyable
qu'ils ont à vouloir oublier le passé et ne pas même
en tirer les conséquences. Nous ne pouvons pas les citer tous
ou dresser des listes des participants aux massacres. Beaucoup d'entre
eux ne seront pas punis pour leurs actes. Observateur du cours de l'histoire
des hommes, les années passent, le drame Khmer et ses acteurs
s'effacent un peu plus chaque jour des mémoires, pour ne rester
que dans les esprits de ceux qui ont subi. Mais ceux là même
ne sont pas éternels et depuis la fin du règne de Pol
Pot, un grand nombre d'entre eux a déjà disparu, emportant
avec eux les souvenirs terribles de vie dans les camps, de torture,
de mort, de survie.
Mais comment
le Cambodge a vécu cette période? Les temoignages et les
écrits sont remplis de pudeur et de gène. Les acteurs
passifs, victimes ont visiblement du mal à exprimer leur histoire.
Ont-ils honte de leur pays et d 'eux même, d'avoir fait confiance
à leurs dirigeants ?
C'est
probable que ce sentiment existe . Tous sont conscients de la gravité
de l'histoire des khmers rouges mais répugnent à en parler.
Ils préfèrent se tourner vers le futur,ou plutôt
vivre au présent, croire ou faire semblant de croire que de tels
évènements ne pourront pas se reproduire, oublier.